Tour de l’Avenir, 60 éditions qui ont révolutionné le monde du cyclisme (partie 1/4)

Le Tour de l’Avenir est, depuis sa création en 1961, une course majeure pour l’univers du cyclisme mondial. Pour les garçons comme pour les filles, puisqu’aux 60 éditions déjà disputées s’ajoute depuis 2023 sa déclinaison féminine. Ce véritable Tour des jeunes qui met en jeu les Maillots jaune CIC est un grand révélateur de talents. Voici son histoire en 4 parties racontée par Philippe Bouvet, ancien grand reporter de la rubrique vélo du journal L’ÉQUIPE, mémoire du cyclisme français. 1ère PARTIE : L’antichambre des plus grands champions

PB

Publié le 15/03/2025

Première édition, 1961. Aux couleurs des équipes nationales, le peloton dans le col de Tende qui le ramène d’Italie en France. Francisco Gabica (à g.) est maillot jaune et bien entouré. Mais l’Espagnol va défaillir dans les Pyrénées au profit de l’Italien De Rosso (cprght Presse Sports).
Au Parc des Princes à Paris, le 14 juillet 1964, le Directeur du Tour de France, Jacques Goddet, fait connaissance avec un jeune italien pétri de talent : Felice Gimondi, première grande découverte du Tour de l’Avenir (cprght Presse Sports).

Le Tour de l’Avenir. Ou l’avenir du Tour… C’est bien l’idée des organisateurs – les mêmes que ceux du Tour de France à l’époque – lorsqu’ils imaginent l’épreuve lancée en 1961 à l’intention des coureurs en devenir. Un coup d’œil sur le palmarès atteste que la mission est accomplie : le Tour de l’Avenir ne détient pas seulement l’un des plus beaux intitulés de tout le calendrier du cyclisme, il est surtout un grand tremplin pour les futurs champions, et maintenant les championnes.

Un véritable Tour des jeunes. Le projet de départ résiste au temps et l’aura traversé. Destiné à régénérer sur la durée le peloton international, le « petit Tour de France » fait son chemin. A ses premiers pas, il suit d’abord – ou plus exactement précède puisqu’il devance même le défilé de la caravane publicitaire – le passage du Tour de France sur sa seconde moitié de parcours, avec des étapes dessinées au calque et simplement des départs repoussés plus avant pour adapter les distances aux coureurs amateurs. Il ne tarde pas trop à s’émanciper, à s’écarter bientôt du parcours tracé par son illustre aîné pour suivre son itinéraire personnel (il devient autonome en 1968). Et le « Tour de France de l’avenir », tel qu’on le dénomme au tout début, écrit sa propre histoire qui court maintenant sur soixante éditions. Auxquelles est logiquement venu s’ajouter depuis 2023 un Tour de l’Avenir féminin qui jouera, c’est évident, le même rôle essentiel.

En même temps, le Grand Tour et celui qui prépare la relève sont indissociables, ils en ont pleine conscience commune. Fidèle à sa vocation originelle, le Tour de l’Avenir reste un grand révélateur de talents et un socle indispensable à la grande pyramide qui mène jusqu’aux sommets.

Il n’y a pas de meilleur ambassadeur pour le Tour de l’Avenir que son palmarès. De Felice Gimondi à Tadej Pogacar, en passant par Joop Zoetemelk, Greg LeMond, Miguel Indurain, Laurent Fignon, plus récemment Egan Bernal, premier sud-américain vainqueur du Tour de France, ils sont sept lauréats du Tour de l’Avenir à avoir triomphé à plus ou moins brève échéance sur la Grande Boucle. Immédiatement pour Felice Gimondi, à ce jour unique lauréat (1964) à avoir remporté le « grand » Tour dès l’année suivante. Très vite aussi pour Egan Bernal et Tadej Pogacar (deux ans). Un délai plus allongé pour Miguel Indurain (cinq ans) qui avait pris encore le temps de grandir… Au total, les vainqueurs du Tour de l’Avenir représentent seize victoires dans le Tour de France (*), même si le cas de Laurent Fignon est singulier puisqu’il avait déjà été consacré deux fois sur les Champs-Elysées (1983 et 1984) avant de s’inscrire au palmarès de l’épreuve alors labellisée Tour de la Communauté européenne (1988) – plusieurs noms pour plusieurs vies pour mieux coller à son temps et aux évolutions.

Ces champions offrent une magnifique vitrine. Mais il serait bien trop restrictif de s’arrêter à ceux inscrits au palmarès. Combien d’autres grands noms se soumettent à ce ban d’essai, s’y font remarquer à un titre ou à un autre, et s’envolent sur cette rampe de lancement ? Ce n’est pas un hasard si Jan Janssen, Olaf Ludwig ou Laurent Jalabert remportent le maillot vert du Tour de l’Avenir avant de conquérir celui du Tour de France. Ou si Lucien Van lmpe s’attribue le grand prix de la montagne de l’Avenir 1968 avant d’être six fois meilleur grimpeur du Tour qu’il finira par remporter, lui aussi, en 1976. Même un certain Lance Armstrong apparaît dans le maillot à pois rouges de l’Avenir 1992 sous les traits d’un jeune Texan décidé à réussir à tout prix. On pourrait tout aussi bien citer les Lucien Aimar, Cyrille Guimard, Pedro Delgado, Luis Herrera, plus récemment Romain Bardet ou Julian Alaphilippe, tous passés par là. Et tant d’autres !

La déjà longue histoire du Tour de l’Avenir et celle du Tour de France restent ainsi intimement liées. C’est tellement vrai que Tadej Pogacar, l’as du moment, ne vient pas de nulle part : sous ses airs adolescents il n’a pas encore vingt ans, esseulé dans sa petite équipe nationale de Slovénie, lorsqu’il se révèle époustouflant sur le Tour de l’Avenir 2018, deux ans seulement avant de remporter son premier Tour de France pour devenir le champion au summum qui suscite aujourd’hui les comparaisons les plus audacieuses, y compris avec Merckx – c’est Eddy qui le dit…

(*) Cinq Tours de France victorieux pour Indurain (1991 à 1995), trois pour LeMond (1986, 1989, 1990) et Pogacar (2020, 2021, 2024), deux pour Fignon (1983, 1984), un pour Gimondi (1965), Zoetemelk (1980) et Bernal (2019).

FIN DE LA 1ère PARTIE