Tour de l’Avenir, 60 éditions qui ont révolutionné le monde du cyclisme (partie 2/4)

Le Tour de l’Avenir est, depuis sa création en 1961, une course majeure pour l’univers du cyclisme mondial. Pour les garçons comme pour les filles, puisqu’aux 60 éditions déjà disputées s’ajoute depuis 2023 sa déclinaison féminine. Ce véritable Tour des jeunes qui met en jeu les Maillots jaune CIC est un grand révélateur de talents. Voici son histoire en 4 parties racontée par Philippe Bouvet, ancien grand reporter de la rubrique vélo du journal L’ÉQUIPE, mémoire du cyclisme français. 2ème partie : L’instrument de la mondialisation du cyclisme

PB

Publié le 15/03/2025

1978, Sergueï Soukhoroutchenkov en rouleau compresseur dès la première étape, accompagné de Morozov avec lequel il s’est dégagé dans le col de la Faucille. Ils reviendront sur le Français Vigneron, puis « Soukho » finira seul pour endosser le maillot jaune (cprght Presse Sports).
1979, la passe de deux ! Maillot jaune en qualité de vainqueur sortant, Soukhoroutchenkov dans son style compact lors du prologue de Divonne-les-Bains, au bord du lac Léman. Le Belge Bogaert signera ce jour-là le meilleur temps, mais « Soukho » est au summum de sa puissance (cprght Presse Sports).

Le Tour de France a déjà une longue route derrière lui et en est à sa 48e édition lorsqu’il veut enfanter d’une autre épreuve pour se perpétuer. La paternité en revient à un journaliste passionné et visionnaire, Jacques Marchand, responsable de la rubrique « Cyclisme » au journal L’Equipe. Il s’agit de créer le grand vivier du cyclisme – pas seulement celui du Tour de France – pour insuffler en continu le renouveau du peloton international.

Avec le Tour de l’Avenir, s’engage aussi le long processus de la mondialisation d’un sport jusque-là confiné pour l’essentiel aux nations dites « traditionnelles ». La planète cyclisme semble se limiter alors au petit périmètre France, Italie, Belgique, guère plus loin… Le vélo du reste du monde demeure fort éloigné de cet épicentre, en tout cas solidement cloisonné. Au sein même de la « vieille Europe », un mur se dresse entre les nations occidentales, dont les plus sérieux espoirs se destinent à une carrière professionnelle, et le bloc de l’Est, avec ses « amateurs » à vie, du moins en ont-ils l’étiquette, puisqu’ils sont en vérité athlètes d’Etat.

Ce sont tous ces mondes, éloignés aussi bien géographiquement, culturellement mais aussi politiquement, que l’Avenir se donne pour mission de réunir. Un formidable brassage.

Dès la première édition en 1961, l’idée directrice est celle de l’élargissement. Plusieurs parties du monde, issues de trois continents, sont déjà représentées sur la première ligne de départ, à Saint-Etienne, ancienne capitale du cycle. Face aux équipes nationales européennes, d’autres sélections s’aventurent à armes inégales, avec une belle insouciance parfois, heureusement peut-être... Et pourtant, comme il existe déjà une tradition cycliste en Afrique du Nord, les étonnants Marocains Abderrahman El Farouki et le populaire Mohamed El Gourch disputent de près le sprint final au Parc des Princes, dès 1962 et 1963 ! Mais il s’en faut de peu aussi que toute l’équipe du Canada ne passe aussi sec à la trappe, et qu’un seul représentant de l’Uruguay puisse survivre à la toute première étape du tout premier Tour de l’Avenir, en 1961, autour de Saint-Etienne ! La mansuétude des commissaires vis-à-vis-à-vis des délais d’élimination permet sûrement d’encourager – en tout cas de ne pas décourager prématurément – le coup de pouce ainsi donné à l’internationalisation. Le peloton cosmopolite du Tour de France, et du circuit World Tour plus globalement, dit aujourd’hui combien il ne faut jamais insulter l’avenir… Mais on est alors loin encore d’arriver au bout de cette belle idée.

En 1964, des éléments de la Nouvelle-Zélande sont adjoints aux faibles effectifs… luxembourgeois, pour marquer l’apparition d’un quatrième continent ; et, puisque l’Asie n’existe pratiquement pas sur le planisphère cycliste, le Japon se risque en pionnier (nous sommes déjà en 1983).

Dans ce nouveau concert des nations, l’on voit passer par exemple la Turquie (1977), les Etats-Unis en 1978 seulement, comme quoi ce qui nous paraît si évident aujourd’hui est encore improbable, voire exotique. Puis c’est le Venezuela (1981), le Costa Rica (1983) et même la Corée du Sud (1987). Plus récemment, l’Afrique entre vraiment en jeu avec le Rwanda (2018) et l’Erythrée (2022). Le premier, en 2025, organisera le Mondial jamais disputé sur le sol africain, l’autre est devenue une vraie nation de vélo.  

De plus, la participation régulière d’une formation du Centre mondial du Cyclisme, qui accompagne sous l’égide de l’Union Cycliste Internationale le développement de coureurs isolés ou dépourvus de structures dans des pays émergents, accentue encore le mouvement universel. Sous le maillot du Centre mondial, un Tunisien, Rafaa Chtioui (2007), est à ce jour l’unique représentant africain vainqueur d’une étape sur cette course, un Chilien (José-Luis Rodriguez) porte le maillot jaune (2015), et un coureur de Hong-Kong est venu se confronter aux réalités du haut-niveau. D’autres suivront, c’est une certitude.

Jusqu’au succès inattendu du Mexicain Isaac Del Toro, au terme de l’édition 2023, qui apparaît comme absolument symbolique de l’accomplissement de ce Tour du monde en soixante éditions.

FIN DE LA 2ème PARTIE